Position concernant la mise en œuvre du règlement AFIR sur la tarification et la transparence, les options de paiement et les obligations en matière de données dans le domaine de la mobilité électrique
Suite à la publication d'AFIR (alternative fuels infrastructure regulation) dans le courant du mois de septembre 2023 et à la date de mise en œuvre dans tous les États membres de l'UE le 13 avril 2024, EV Belgium a préparé un document de position pour informer les décideurs politiques et les organismes de contrôle sur la façon dont cette législation européenne peut être mise en œuvre en Belgique. Les questions abordées comprennent la tarification, la transparence des prix, les options de paiement, les points de charge publics et les obligations en matière de données.
PRINCIPES GENERAUX
Une transparence maximale des prix, la possibilité généralisée d'une recharge ad hoc et une concurrence maximale mais équitable sont des conditions essentielles à la réussite de la poursuite du déploiement de la mobilité électrique en Belgique.
En outre, il est important de parvenir à une harmonisation maximale au niveau européen afin que les consommateurs bénéficient d'une protection égale dans tous les États membres, mais aussi pour éviter que les opérateurs d'infrastructure de tarification ou les fournisseurs de services n'aient à développer des logiciels différents pour chaque État membre. AFIR a vu le jour après une large et longue consultation du secteur. La protection des consommateurs est ainsi harmonisée et garantie dans toute l'UE, sans compromettre la viabilité économique du secteur.
Le nouveau règlement prime sur la loi belge et, en tant que lex specialis, constitue également une exception aux dispositions générales en vigueur en matière de droit de la consommation et de droit économique. EV Belgium demande donc qu'en matière de tarification, de transparence des prix et d'options de paiement, le règlement AFIR soit appliqué "ni plus ni moins", c'est-à-dire sans obligations supplémentaires. Cette position est confirmée par les lignes directrices de la Commission européenne où il est fait référence au fait que le règlement AFIR est une "réglementation complète" du secteur.
EV Belgium souhaite souligner que la tarification de la recharge électrique est différente de la tarification du ravitaillement en carburant fossile. La conduite électrique a un écosystème commercial et opérationnel plus complexe avec de multiples parties prenantes : fournisseurs d'énergie, CPO, MSP, sociétés de stationnement, ... Les évolutions technologiques se succèdent rapidement et les réglementations doivent donc être suffisamment souples pour les anticiper. Cette nouvelle réalité est clairement la base des dispositions d'AFIR, et devrait également guider sa mise en œuvre et son application, y compris en termes de visibilité des éléments de prix lors de la tarification et des options de paiement.
1. ENTREE EN VIGUEUR
L'article 5 d'AFIR fait référence à la mise en place d'une infrastructure de recharge ("déployée") à partir du 13/4/2024. L'interprétation de cette disposition n'est pas claire.
Cependant, il est important de garder à l'esprit que :
- Les changements importants nécessitent de nouveaux développements matériels et logiciels, et prennent donc du temps. Certains nouveaux éléments ne sont apparus qu'à travers le projet de lignes directrices, de sorte que le délai de mise en œuvre n'est que de trois mois.
- Beaucoup de CPO’s ont des stocks de matériel qui doivent encore être installés dans les mois à venir et n'ont pas nécessairement la capacité technique de permettre un paiement sécurisé via un dispositif dans ou sur la borne de recharge.
- Les délais de demande et de réalisation des connexions au réseau électrique (par les différents gestionnaires de réseau de distribution) sont longs. Dans certains cas, ils sont de 6 mois ou plus. Ces délais sont indépendants de la volonté des propriétaires ou des exploitants d'infrastructures de recharge et constituent donc un cas de force majeure.
EV Belgium demande que l'on tienne compte des longs délais de raccordement au réseau, des stocks de matériel existants et de la nécessité de développer du matériel et des logiciels supplémentaires pour mettre en œuvre AFIR.
2. TARIFICATION
Le bon fonctionnement du marché est dans l'intérêt des consommateurs. La tarification doit être déterminée par le marché, et il est essentiel que les différentes formes de tarification permises par AFIR puissent être utilisées par les acteurs du marché en Belgique. En effet, AFIR laisse clairement la place à une différenciation commerciale basée sur des critères objectifs.
Par exemple, il est important que l'infrastructure de recharge soit la plus accessible possible aux utilisateurs et que les investissements dans l'infrastructure de recharge puissent être rentabilisés au maximum. Cela signifie qu'il devrait être possible d'instaurer une tarification avec des éléments de rotation et en fonction du temps.
Par exemple : Les MSP qui achètent des volumes plus importants auprès d'un CPO particulier devraient pouvoir négocier une remise, à l'instar de ce qui existe pour les carburants traditionnels ou pour de nombreux autres secteurs.
Par exemple : travailler via une solution peer to peer n'a pas le même coût que travailler via une plateforme d'itinérance
Par exemple : certains MSP proposent des tarifs fixes, quel que soit le CPO. Cela devrait rester possible, tant que les différences de prix sont raisonnables, bien entendu.
Etc.
La tarification évoluera également fortement dans les années à venir.
Par exemple : la tarification dynamique et flexible gagnera en importance. Ce faisant, la gestion de la congestion et les redevances pour contribution à l'équilibre du réseau seront également reflétées dans les prix de facturation. Cela signifie également que les prix peuvent fluctuer fortement en fonction de l'offre et de la demande, et de la charge sur les réseaux.
Enfin, EV Belgium souhaite souligner explicitement que les prix excessifs, qui ne peuvent être objectivement justifiés, ne sont pas non plus acceptables pour le secteur. Il est toutefois important que notre pays s'aligne sur la pratique européenne lorsqu'il s'agit d'interpréter les dispositions d'AFIR à ce sujet.
EV Belgium demande qu'une différenciation raisonnable des prix basée sur des critères commerciaux reste possible dans toute la mesure du possible.
3. TRANSPARANCE DES PRIX
2.1. Pour assurer la qualité du service, il est essentiel de communiquer clairement, avant la séance de facturation, les principaux éléments constitutifs du prix. Les obligations relatives à la transparence des prix sont mises en œuvre dans la pratique en suivant la logique du règlement AFIR. Une distinction claire est faite entre les obligations imposées aux CPO’s et les obligations imposées aux e-MSP’s. Les obligations relatives aux sessions de facturation ad hoc relèvent de la responsabilité du CPO, tandis que les sessions basées sur un contrat sous-jacent relèvent de la responsabilité du MSP.
2.2. Pour les obligations relatives aux sessions de recharge ad hoc directement par l'intermédiaire des CPO, une distinction est également faite entre les points de recharge rapide et les points de recharge lente qui sont accessibles au public.
Recharge lente (<50kW)
- avant la session, c'est-à-dire pas pendant (ou après).
- des informations sur le prix ad hoc et toutes ses composantes (à l'exclusion des suppléments MSP considérés comme non applicables), dans l'ordre suivant
- le prix par kWh,
- le prix par minute,
- le prix par session, et
- tout autre élément de prix applicable
- mettre à disposition de manière claire et aisée : pour le secteur, il s'agit de tous les moyens électroniques ou autres possibles qui garantissent ce résultat et qui permettent d'utiliser les interfaces et les procédures habituelles du secteur.
Exemples d'interprétation possible selon AFIR (non exhaustif) : code QR statique vers la page de prix sans auto localisation de l'utilisateur, code QR statique avec auto localisation de l'utilisateur, application CPO, tableau des prix, autocollant, entrée dans la page routière avec le tarif applicable, etc.
Recharge rapide (>50kW)
- avant la session - c'est-à-dire pas pendant (ou après)
- informations sur le prix ad hoc : avec les seules unités possibles suivantes
- en €/kWh
- taux de rotation : €/minute
- à "indiquer aux bornes de recharge" : cela peut être interprété de manière large en fonction de l'affichage choisi (analogique, numérique, etc.), et devrait au moins être fourni au niveau du pool de recharge (c'est-à-dire plusieurs bornes de recharge).
2.3. Les MSP mettent à disposition toutes les informations nécessaires avant la session :
- avant le début d'une session de tarification programmée - c'est-à-dire pas pendant (ou après)
- par des moyens électroniques librement accessibles et largement supportés
- mettre à disposition toutes les informations tarifaires applicables à cette session de recharge, y compris
- les frais de roaming applicables
- les autres frais ou redevances prélevés par le fournisseur de services de mobilité
Le fait de rendre visibles les composantes du prix ne signifie pas que tous les accords entre le CPO et le MSP doivent également être rendus visibles, pour autant que les prix finaux appliqués par composante soient disponibles au début de la session.
Ex. de mise en place d’un prix:
|
/kWh |
/minute |
/session |
CPO |
€5 €1 €6 |
nvt |
|
e-MSP |
nvt |
€1 |
|
e-MSP totaal voor klant |
nvt |
€1 |
A rendre visible pour le consommateur : Prix / kWh = €6 et le Prix /session = €1
|
/kWh |
/minute |
/session |
CPO |
€4 €2 €6 |
€1 |
nvt |
e-MSP |
|
nvt |
|
e-MSP totaal voor klant |
€1 |
nvt |
A rendre visible pour le consommateur : Prix / kWh = €6 et le Prix /minute = €1
Là encore, l'expression "moyens électroniques largement soutenus" doit être interprétée au sens large pour le secteur en termes d'interfaces et de procédures électroniques choisies, et qui prennent également en compte les nouvelles évolutions.
Exemples d'interprétation possible selon AFIR : application MSP spécifique (avec localisation ou géolocalisation de l'utilisateur), page web avec auto localisation de l'utilisateur, page web avec prix fixe, ...
2.4. La recharge intelligente
À l'avenir, les prix dynamiques de l'énergie contribueront à stabiliser le réseau. Toutefois, il est impossible d'indiquer le prix final exact avant la session. Il est important que les consommateurs soient informés au début de la session que la tarification dynamique sera utilisée et que les composantes du prix peuvent varier dans le temps.
EV Belgium reconnaît la grande importance de la transparence des prix et demande que toutes les options technologiques restent ouvertes pour y parvenir. La Belgique ne devrait pas non plus avoir l'intention de révéler les accords commerciaux entre les CPO et les MSP, pour autant que les composantes du prix totales soient transparentes pour les consommateurs.
4. OPTIONS DE PAYMENTS
AFIR est formulé de manière assez large et laisse plusieurs options technologiques ouvertes. EV Belgium demande à nouveau que ces différentes options soient autorisées et largement interprétées lors de l'application et de la mise en œuvre de la réglementation AFIR dans notre pays, comme c'est le cas dans de nombreux autres secteurs. Il est difficile de comprendre pourquoi la législation devrait être interprétée de manière plus stricte pour les sessions de recharge des VE, où des montants relativement faibles sont en jeu.
Il est important que le processus de paiement dans son ensemble soit sécurisé pour les consommateurs. Par exemple, en comparant les données de la transaction de paiement et de la session de charge dans le back-office, il est possible de prévenir la fraude lorsqu'une session de charge ad hoc (sans enregistrement) est lancée à l'aide d'un smartphone, sans qu'il soit nécessaire d'utiliser un appareil supplémentaire.
Pour les bornes de recharge en courant alternatif mises en service à partir du 13/4/2024, la recharge ad hoc sera soumise à l'exigence que le paiement soit possible via un appareil doté d'une connexion internet et capable d'effectuer une transaction de paiement sécurisée, en générant, par exemple, un code de réponse rapide (Quick Response Code) spécifique.
Selon les lignes directrices, cela signifierait concrètement que dans le cas de la recharge ad hoc, le paiement sécurisé via le smartphone, mais sans communication directe entre ce smartphone et un appareil présent au point de recharge ou à la station de recharge (par exemple, via un code QR statique ou un lien web), n'est pas autorisé. Cette interprétation ne nous semble pas conforme au texte du règlement et certainement pas à l'intention du législateur.
Cette interprétation particulièrement restrictive aurait également pour conséquence qu'un grand nombre de matériels fabriqués mais pas encore installés pour la recharge en courant alternatif devront être modifiés, voire deviendront inutilisables. Cela augmentera inutilement le coût de la recharge publique.
EV Belgium demande une application suffisamment large des dispositions relatives aux options de paiement pour les points de recharge en courant alternatif, à l'instar d'autres secteurs, afin de donner toutes ses chances à la transition :
- Tant que le processus de paiement ad hoc est correctement sécurisé, pour la recharge en courant alternatif, un maximum d'options devrait être laissé ouvert pour le paiement à l'aide, par exemple, de smartphones et sans installer de matériel supplémentaire aux points de recharge, à la station ou à la piscine.
- Les sessions ad hoc (par exemple via une application mobile CPO) où 1) il est immédiatement clair après le téléchargement qu'il n'est pas nécessaire de s'enregistrer et 2) en tant qu'utilisateur invité, vous pouvez initier la transaction avec cette application et la transmettre à une autorité bancaire européenne pour paiement, devraient également être autorisées.
Si le gouvernement souhaite toujours suivre les (projets de) lignes directrices sur ce point, il devrait au moins considérer – à la demander d’EV Belgium – la possibilité d’introduire un délai de grâce d'un an pour cet aspect.
5. CONCESSIONS D'INFRASTRUCTURES DE RECHARGE SUR LE DOMAINE PUBLIC
Les concessions accordées avant la publication d'AFIR mais qui ne sont pas encore opérationnelles ne prennent pas en compte les obligations découlant d'AFIR. Il devrait donc être possible de s'écarter des conditions de la concession pour appliquer ces nouvvelles obligations et des ajustements devraient également pouvoir être reflétés dans les prix des redevances.
EV Belgium demande de prendre en compte les conditions de concession déjà convenues antérieurement (avant l'entrée en vigueur d'AFIR) ou au moins la possibilité de répercuter les coûts supplémentaires conformément à AFIR.
6. OBLIGATIONS EN MATIÈRE DE DONNÉES
En ce qui concerne le partage de données autour des sessions de recharge (semi-)publiques, AFIR réglemente entièrement la question. Cela signifie que les États membres ne peuvent pas développer des obligations plus strictes dans ce domaine en termes de types de données à partager, ni exiger d'autres solutions technologiques non prévues par AFIR (dans ce cas via une API). Les participants au marché devraient avoir la possibilité de passer par l'intermédiaire de leur choix à cet égard.
EV Belgium demande que la Belgique et les régions s'alignent sur AFIR en ce qui concerne les obligations en matière de données, avec une réutilisation maximale des solutions existantes et la possibilité pour les acteurs du marché de travailler avec un tiers de leur choix.
7. PROCHAINE DEMARCHE
Au niveau européen, le secteur devra conclure les accords nécessaires à la bonne circulation des informations sur les prix entre les acteurs.Une task force (gouvernement et secteur) est en train d'être mise en place en Belgique pour préparer la mise en œuvre de cette réglementation européenne.